Le sentiment d’oppression raciale et le chemin de l’émancipation de la classe ouvrière
Ces derniers mois ont vu se multiplier en Guadeloupe, et en Martinique plusieurs incidents racistes directs ou voilés de certains Blancs (touristes ou résidents) contre des membres de la population, Noirs ou Indiens.
En Guadeloupe, le 26 janvier 2021, une dizaine de touristes ont proféré et commis insultes et gestes racistes envers le personnel de l’hôtel Fleur d’Épée. Puis ils ont cassé du matériel. Tout cela parce qu’on leur avait refusé l’entrée du restaurant à cause de leur tenue débraillée.
Le 30 janvier, des touristes qui devaient partir en excursion ont voulu exclure un couple de Noirs qui avait aussi loué des places sur le bateau. Selon ces racistes, « des gens comme eux [le couple de Noirs] » n’avaient rien à faire « dans leur bateau ».
À Sainte-Anne, un temple hindou est menacé de démolition suite à la plainte d’un voisin blanc jugeant le temple trop bruyant.
En Martinique, le 18 décembre dernier, un homme a été interpellé à Rivière-Salée pour avoir lâché à ses voisins des propos racistes tels que « les Martiniquais n’ont aucune culture… ils n’aiment que le tam tam » ou encore « ce sont des dégénérés mentaux ». Le 26 juillet 2020, deux habitants du Diamant avaient été placés en garde-à-vue pour avoir publié des propos racistes sur Facebook contre des voisins noirs. Ils affirmaient vouloir détruire la statue du Nèg mawon (symbole du Noir qui s’est libéré de l’esclavage) située à l’entrée de la commune. Dix jours avant, Kéziah, un jeune militant anti-chlordécone s’était fait tabasser par des gendarmes lors d’une mobilisation. Des témoins ont entendu les gendarmes traiter Kéziah de « sale négro ». Le 21 novembre 2020, à Paris le Martiniquais Michel Zecler était roué de coups par des policiers aux cris de « sale nègre ».
Et dans un tel contexte, c’est le leader nationaliste Luc Reinette, qui est interpellé pour incitation à la haine car il a mis en cause les méfaits du colonialisme français. C’est le monde à l’envers.
Une bonne fraction de la population exprime son mécontentement contre tous ces faits récents. Ils réveillent le sentiment d’oppression raciale.
Le racisme qui existe aux Antilles est lié, de tout temps, à la classe sociale dominante. Historiquement il provient de la traite et de l’esclavage, et des grandes familles békés issues des anciens maîtres esclavagistes. Le système esclavagiste a forgé une société où les classes sociales se confondent dans leurs traits dominants avec la couleur de la peau : bourgeoisie blanche, petite bourgeoisie mulâtre, classes ouvrière et paysanne noires.
C’est ce qui explique que les Blancs soient assimilés dans l’imaginaire collectif et la réalité sociale aux classes riches et au racisme. S’il existe des Noirs et Indiens riches – et donc qui ne sont pas dans notre camp – il n’y a pratiquement pas de Blancs pauvres en Martinique et en Guadeloupe.
Les incidents de racisme ordinaire qui jalonnent l’histoire des deux îles depuis l’origine sont la conséquence d’un racisme officiel, institutionnalisé. Racisme organisé pour soumettre pendant plus de trois siècles des femmes et des hommes, Noirs d’abord, Indiens ensuite, en esclavage et sous oppression coloniale.
Le sentiment d’oppression raciale
Le peuple antillais est né dans la traite et l’esclavage, et a grandi sous le colonialisme. Cette barbarie est donc inscrite dans l’ADN de son évolution sociale, de même que les révoltes contre cette barbarie, de même que le sentiment d’oppression raciale. Comment pouvait-il donc en être autrement ?
Comment peut-il en être autrement lorsque ce sont des militaires blancs qui assassinent des ouvriers et jeunes Noirs et Indiens. En Guadeloupe : en 1910, 1925, 1930, 1946, 1952, 1967. En Martinique : en 1900, 1923, 1925, 1948, 1951, 1959, 1961, 1974.
Récemment une image a circulé sur les réseaux sociaux où l’on voit les principaux dirigeants des grandes administrations de l’État comme la Préfecture, l’Agence régionale de santé, le Rectorat. Ils sont tous blancs tout comme l’écrasante majorité des magistrats, et les autres chefs des grandes administrations.
Si on regroupait sur une même photo les patrons et propriétaires des plus grosses entreprises des Antilles, on ferait le même constat. Dans la grande majorité des grosses entreprises, les patrons sont « blan-béké » ou « blan-fwans ».
Les postes de commandement sont généralement occupés par des Blancs qui commandent à des subalternes Noirs et Indiens… même dans la police.
C’est cela le racisme officiel et entretenu par le pouvoir colonial et par les exploiteurs capitalistes.
Ce n’est donc pas au peuple antillais de prouver son anti racisme.
Le racisme a été créé pour justifier la mise en esclavage de millions de Noirs africains sur les plantations de canne à sucre, de café, de coton aux Amériques.
Le mouvement ouvrier en lutte : premier à faire le lien entre exploitation de classe et oppression raciale
La classe ouvrière antillaise fut constituée à la fin du 19ème siècle par les anciens esclaves. Elle est exclusivement noire face aux petits bourgeois mulâtres et à la bourgeoisie blanche.
Les Noirs des Antilles ont fait irruption sur la scène en tant que classe ouvrière au sortir de l’esclavage en entamant de grandes luttes pour améliorer son sort contre le grand patronat local.
C’est l’insurrection du Sud en Martinique en 1870 qui fut la première grande lutte de masse, une lutte armée, du nouveau prolétariat.
Puis les grandes grèves historiques et générales de la canne en Martinique en 1900 avec la tuerie du François puis toutes les grèves du début du 20ème siècle ont fait émerger durablement la classe ouvrière antillaise sur la scène politique et sociale.
C’est le courant socialiste, avec son leader Hégésippe Légitimus qui, en parlant du « parti des Noirs » parlait en même temps du parti des travailleurs avec le cri « Nègres en avant !». Cri qui signifiait « Ouvriers en avant ! ». Ce courant fut représenté en Martinique par Lagrosillère, puis pendant une période par Aimé Césaire.
La lutte des travailleurs Noirs les a fait surgir sur la scène sociale et politique. Ils ont fait le lien entre le combat contre l’exploitation capitaliste et le combat contre l’oppression raciale.
Les socialistes ont trahi très tôt la classe ouvrière. Mais nous nous réclamons nous, à Combat ouvrier, de la tradition de lutte de la classe ouvrière des Antilles depuis ses débuts.
Nous vivons sur une poudrière sociale
Tout au long du 20ème siècle et jusqu’à aujourd’hui, l’exploitation capitaliste conjuguée à l’oppression coloniale et raciale a été source de nombreuses explosions sociales.
Aujourd’hui, l’aggravation de la crise économique peut être la source de nouvelles explosions. Les provocations racistes pourraient par exemple mettre le feu aux poudres. Car, avec raison, la population antillaise répond du tac au tac aux racistes.
Il faut donc choisir son camp. Il revient aux Blancs non racistes de le faire savoir, en se démarquant du milieu raciste de la manière qu’ils choisiront.
La lutte de classe, seule porteuse d’espoir
Nos frères de classe, Noirs, Indiens et Blancs : ouvriers, militants et membres du mouvement ouvrier, sont dans notre camp. Tous ceux, Blancs, Noirs, Indiens et autres qui s’opposent à l’oppression impérialiste sont nos alliés.
Combat ouvrier est constitué d’un groupe de militants communistes révolutionnaires qui se bat contre l’oppression capitaliste source de toutes les oppressions. Il se bat pour une société où le racisme, la xénophobie quels qu’ils soient disparaîtront de la société humaine. D’autant que les races n’existent pas scientifiquement. Il n’y a qu’une seule race, la race humaine !
La classe ouvrière est la seule classe qui en s’émancipant de l’oppression capitaliste libèrera par la même toutes les autres classes de la barbarie actuelle, comme l’a dit Karl Marx, fondateur du communisme. C’est le vrai chemin de l’émancipation des peuples de Martinique et de Guadeloupe de l’oppression impérialiste et des séquelles coloniales.
Cette libération générale ne pourra être que l’oeuvre d’une révolution sociale et politique des travailleurs et de tous les pauvres contre le système capitaliste et la classe qui le dirige : la bourgeoisie blanche mais aussi noire ou indienne. Elle sera un pouvoir des Noirs pauvres indépendant des Blancs et des riches. Que les riches soient Blancs, Noirs ou Indiens.
Jeudi 4 mars 2021