Le 5 février 2009, est jour de grève générale. Depuis plusieurs mois les manifestations du mécontentement, de la colère contre la cherté de la vie, le chômage et la précarité, s’amplifient.
Une intersyndicale propose une plateforme de revendications syndicales et populaires. Durant le mois de décembre 2008, des meetings d’explication et de mobilisation avaient été organisés dans les communes. En Guadeloupe, un grand mouvement de protestation dénonçant les bas salaires, les emplois précaires et la hausse des prix des produits de 1ère nécessité démarré en janvier, s’amplifie. Au petit matin, du 5 février, des centaines de militants et de travailleurs des différents secteurs d’activité se regroupent autour de leurs banderoles et drapeaux.
Les grévistes sont rejoints par des centaines de jeunes, étudiants, chômeurs, agriculteurs et des groupes de femmes venant des quartiers avoisinants. Une foule d’environ 20 000 personnes va dévaler les rues de Fort de France. Elle scande « Pri loyè a, tro chè ; pri manjé a, tro chè; pri l’esans, tro chè; ogmanté lé salè, ogmanté lé pansyion. » ou « 300 èwo pou tous ». Le chant de la grève surgira aussi : Matinik sé tan nou, Matinik sé pa ta yo, an bann profitè-volè, nou ké fouté yo déwo, mais aussi « an bann bétché volè, nou ké fouté yo déwo ». Il sera repris par les manifestants tout au long du mouvement.
La force de la grève et de la mobilisation
Le jour même, le préfet de Martinique, alerté par l’importance des mobilisations en Guadeloupe, décide d’organiser des négociations entre organisations syndicales, patronales et aussi Conseil général et Conseil régional. Mais devant l’ampleur de la mobilisation et la détermination des manifestants, la grève est reconduite.
Le Collectif du 5 février « K5F » est constitué. Il regroupe les organisations syndicales et diverses associations affirmant lutter contre les injustices, les inégalités et l’exploitation qui bénéficient à l’Etat français, aux gros possédants békés et autres capitalistes locaux. Il est reconnu par les grévistes et les manifestants.
Le lendemain et les jours suivants, la grève s’étend à de nombreux secteurs : pompistes des stations-service, ouvriers du bâtiment, de la métallurgie, employés des supermarchés, ceux des entreprises et magasins des zones commerciales, mais aussi agents des établissements scolaires, de la santé, ceux de la Poste ou des mairies. Elle entraine aussi des travailleurs indépendants, petits artisans, petits agriculteurs ou artistes. Ils vont trouver leur place dans ce mouvement des salariés qui conteste la toute puissance du gros patronat, des nantis et de l’Etat sur les salariés mais aussi sur l’organisation de la société à leur profit.
Durant 38 jours, la grève est votée et reconduite chaque jour après le compte-rendu par les représentants du collectif des négociations qui se déroulent en préfecture. Le 14 mars 2009, un accord global est signé entre le K5F, le préfet, le patronat, les collectivités. La grève est suspendue. C’est la fin du mouvement d’ensemble.
Les acquis de la grève
La grève massive a permis à plusieurs milliers de foyers ayant des bas salaires de percevoir une prime de vie chère de 200 euros par mois pendant 3 ans. Cent euros étaient versés par l’Etat, par l’intermédiaire de la Sécurité sociale : le RSTA (Revenu Supplémentaire Temporaire d’Activité). Les collectivités et l’employeur devaient payer le complément de la prime. Les prix de 400 produits de première nécessité ont été baissés, de même que les tarifs de l’électricité, de l’eau ou les frais bancaires. Durant plusieurs mois, des comités de contrôle des prix se chargeront activement du contrôle de ces baisses des prix, en particulier dans les supermarchés.
Bien sûr, les points de l’accord signé restaient éloignés des revendications des masses populaires. Mais grâce à leur mobilisation collective, les travailleurs avaient pu arracher des mains des possédants et de l’Etat un peu plus que les habituelles miettes ! En se mettant en lutte tous ensemble, ils ont aussi obligé l’Etat et le patronat à les respecter. C’était une victoire ! Pour les travailleurs et les exploités, mettre en avant leurs revendications propres, et avoir pu les faire aboutir, même partiellement, par leurs propres mobilisations est une expérience qui restera gravée dans la mémoire collective.
Une telle expérience servira aux travailleurs pour porter le combat contre l’exploitation, la misère, pour le respect et la dignité des travailleurs et des masses opprimées.