CO N°1337 (9 novembre 2024) – Il y a 140 ans – Quand l’impérialisme européen se partageait l’Afrique

Il y a 140 ans, une conférence internationale a réuni les puissances européennes présentes sur le continent africain à Berlin. Elles ont défini les conditions du partage colonial de l’Afrique. Cette conférence a débuté le 15 novembre 1884 et s’est achevée le 26 février 1885.

Les débuts de la colonisation en Afrique

Des nations européennes étaient présentes sur le continent dès le 15ème siècle. C’est le cas du Portugal et de l’Espagne dont l’occupation était essentiellement côtière. Les bourgeois européens y avaient organisé la déportation par leurs marchands d’Hommes de millions d’Africains qui seraient réduits en esclavage aux Amériques.

Les Hollandais possédaient également des comptoirs dans le Golfe de Guinée, en Afrique australe, autour du Cap depuis le 17ème siècle. La présence britannique s’affirmait à l’ouest du continent. La France commença à coloniser l’Afrique au 17ème siècle avec l’implantation des premières compagnies commerciales sur la côte de Guinée puis quelques années plus tard sur l’embouchure du fleuve Sénégal, l’île Bourbon (La Réunion), à Madagascar. Puis au 19ème siècle la France s’empara de Mayotte et d’Alger.

L’intérieur du continent africain restait largement inconnu des Européens et plusieurs expéditions permirent de parcourir cet immense territoire. Ainsi le roi des Belges Léopold II a fondé en 1876 l’Association internationale pour l’exploration et la civilisation de l’Afrique centrale. Cette association trompa les chefs locaux africains avec de soi-disant accords afin d’obtenir des droits de souveraineté sur les territoires convoités. La conquête coloniale se heurta souvent à la résistance des populations et de certains dirigeants africains. Mais cette résistance fut écrasée par les armées européennes qui étaient technologiquement supérieures.

Puis vers 1880, le capitalisme se développa en Europe. Le marché national ne suffisait plus. Les capitaux se concentrèrent dans de grandes entreprises industrielles et bancaires. Les capitalistes européens cherchaient des débouchés pour investir leurs capitaux et sécuriser les sources de matières premières. Ils se sont lancés dans l’expansion  coloniale.

L’impérialisme et les empires coloniaux

À l’époque, le capitalisme entrait dans une période impérialiste, le « stade suprême du capitalisme ». Ce fut l’exportation du capital financier. L’époque était celle des conquêtes, des guerres, des pillages des ressources nécessaires à leur industrie telles que l’huile de palme, le coton, le caoutchouc. Mais il existait des tensions entre les puissances européennes. C’était le cas au Congo. Il y avait aussi des tensions entre la France, le Portugal et la Belgique.

Le chancelier allemand Bismarck voyait dans ces tensions une possibilité d’intervenir dans le jeu politique. C’est dans ce contexte de tensions que fut organisée la conférence de Berlin. Les principales puissances y participaient, dont l’Allemagne, la Grande-Bretagne, le Portugal, la France, la Belgique, mais aucun représentant africain n’a été invité. Les puissances qui faisaient poids étaient surtout la Grande-Bretagne, la France et l’Allemagne. Les États-Unis n’avaient pas de possession en Afrique et avaient encore à développer leur immense territoire.

Le roi des Belges, Léopold II devient, dès août 1885 le roi du Congo. Le Portugal obtient une concession pour l’embouchure du fleuve et la France pour la partie inférieure de sa rive droite. Les États colonisateurs qui possédaient 11 % du territoire africain en 1875, en contrôlent plus de 90 % au début du 20ème siècle. Lénine résume l’esprit des puissances concurrentes dans son livre L’impérialisme, stade suprême du capitalisme. Il explique que l’impérialisme « c’est la rivalité de plusieurs grandes puissances tendant à l’hégémonie, c’est-à-dire à la conquête de territoires, non pas tant pour elles-mêmes que pour affaiblir l’adversaire et saper son hégémonie ». Dans cette conférence, ces puissances impérialistes ont justifié l’invasion coloniale en prétendant défendre la liberté du commerce et de navigation. Elles l’ont même justifié par l’ouverture de ces territoires à la civilisation par le commerce, par l’abolition de l’esclavage et le christianisme. Il s’agissait surtout de dépecer le continent. En quinze ans tout le continent fut partagé, des frontières furent tracées à la règle. Ces Européens utilisaient les populations des villages pour travailler souvent de force dans les plantations, dans la construction des routes, des ports, des voies ferrées. On coupait un bras ou une jambe à ceux qui refusaient le travail forcé.

La conférence de Berlin a renforcé le contrôle des capitalistes européens sur le continent mais elle n’a pas empêché les rivalités entre capitalistes, ni la violence de perdurer, comme en témoigne la crise de Fachoda en 1898 et les crises marocaines de 1905 et 1911. À Fachoda au sud du Soudan les troupes britanniques et françaises furent à deux doigts de se battre. Au Maroc, les hostilités entre la France et l’Allemagne ont failli déboucher sur une guerre.

L’Afrique au cœur des conflits mondiaux

L’affrontement entre ces pays européens était tel qu’il déboucha sur une première guerre mondiale en 1914, puis sur une Seconde Guerre mondiale en 1939. Ces guerres ont plongé le monde dans une barbarie sans nom. Des millions de soldats européens, ainsi que « les tirailleurs sénégalais » servirent de chair à canon. Ces derniers étaient souvent enrôlés de force comme en témoigne le film « tirailleurs » avec Omar Sy. La vie de centaines de millions de personnes a été bouleversée par les souffrances et la mort, tout cela pour défendre les intérêts des capitalistes occidentaux.

Aujourd’hui, plus d’un siècle après, l’Afrique continue d’être confrontée aux appétits impérialistes de l’occident, des USA, de l’oligarchie russe et de la Chine. De grandes entreprises des pays impérialistes continuent d’exploiter et de piller les ressources pétrolières, minières du continent. Total, ExxonMobil, Glencore etc. poursuivent ce pillage des ressources qui servent uniquement leurs profits.

Ils plongent les populations dans un abîme de pauvreté, de famine, de guerres. Des milliers de jeunes cherchent à rejoindre la riche Europe et beaucoup meurent en Méditerranée, dans l’Atlantique et dans la Manche. Les survivants sont confrontés au racisme et à l’exploitation féroce dans « le ventre de la bête ».