Le 14 mai, pour la première fois, le président autoritaire au pouvoir depuis vingt ans n’a pas été élu dès le premier tour des élections présidentielles, il a obtenu 49,5 % des suffrages. Au second tour, le 28 mai, il affrontera son adversaire le social-démocrate Kemal Kiliçdaroglu qui a récolté 44,9 %.
Le président actuel Recep Tayyip Erdogan, âgé de 69 ans, s’est présenté pour un troisième mandat après avoir modifié la loi. Il a contribué à la fondation du parti AKP (Parti de la Justice et du Développement-islamo-conservateur) qui l’a porté au pouvoir. Il a été premier ministre de 2003 à 2014, puis président de la République et réélu en 2018. Ces dernières années, la Turquie a subi une dégradation importante du niveau de vie et une aggravation de la crise. Le séisme du 6 février survenu dans ce contexte de crise a encore aggravé la situation sociale : plus de 50 000 morts, des millions de personnes touchées par le séisme à cause des bâtiments construits sans respect des règles antisismiques. Pour une grande partie de la population, le président et son gouvernement, sur fond de corruption, en sont responsables. L’inflation aujourd’hui dépasse les 50 %. Le prix des produits de première nécessité sont devenus inaccessibles pour beaucoup de foyers. La viande, l’oignon ou la pomme de terre sont devenus des produits de « luxe ». Le taux de chômage est de 26 %. Le salaire minimum, même s’il a été doublé, reste insuffisant pour subvenir aux besoins des familles. Le pouvoir d’Erdogan et de son entourage est devenu de plus en plus répressif pour tenter de contrer le mécontentement populaire.
Il a mené des campagnes contre le mouvement kurde, l’accusant de terrorisme. Trois semaines avant les élections, des avocats, journalistes, dirigeants d’ONG et un politicien, au moins une centaine de personnes, ont été arrêtées dans 21 provinces dans le cadre d’opération « anti-terroriste » contre le parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).
Face à Erdogan, une coalition hétéroclite s’est formée avec le social-démocrate Kemal Kiliçdaroglu, un ancien haut fonctionnaire de 74 ans. Il s’est allié à six organisations politiques de l’opposition pour former l’« Alliance de la nation », appelée aussi « Table des Six ». Cette coalition est composée du CHP, du parti social-démocrate, issu de l’ancien parti de Kemal Atatürk (père fondateur de la Turquie moderne) et dirigé par Kiliçdaroglu. Dans cette coalition, on trouve l’Iyi Parti, le parti de Meral Akşener, une ex-ministre de l’extrême droite et un parti islamiste, le Saadet Partisi.
Le président sortant est arrivé nettement en tête au premier tour, il a des chances d’être réélu. Mais quel que soit celui qui arrivera au pouvoir Erdogan ou Kiliçdaroglu, les travailleurs et les classes populaires ne pourront compter que sur elles-mêmes pour changer leur sort. Les travailleurs ont intérêt à se préparer à riposter collectivement contre les attaques du nouveau gouvernement et de la bourgeoisie et à lutter pour améliorer leurs conditions de vie.