Le 16 novembre 1965, naissait La Ligue antillaise des travailleurs communistes à Paris. Elle publiait son Manifeste de la Ligue dans son premier mensuel ronéoté du nom de Lutte ouvrière. Cette plate-forme politique regroupa un petit noyau de militants, étudiants et travailleurs, qui fonda par la suite notre organisation Combat ouvrier.
Novembre 1965
Gérard Séné, décédé en 2012, fut le principal fondateur. À ses côtés figuraient François Anaïs, Nicole Littée, et ensuite Max Celeste.
Ces militants, tout en cherchant leur voie, étaient influencés par l’idéologie nationaliste qui à l’époque envahissait l’air du temps. Les guerres anti colonialistes d’Algérie, du Vietnam, la lutte des Noirs américains, celle de Fidel Castro et Che Guevara, enflammaient l’imagination de la jeunesse politisée. Ces camarades en subissaient donc tout naturellement l’influence.
C’est en rencontrant à Paris des militants du groupe trotskyste de l’UC (Union communiste) qui éditait le journal Voix ouvrière (aujourd’hui Lutte ouvrière) que les fondateurs de notre groupe ont rompu avec le nationalisme. Ils furent gagnés par les idées communistes révolutionnaires et trotskystes. Léon Trotsky avait, en effet, été le seul dirigeant de la révolution d’octobre 1917 en Russie à expliquer les causes de la dégénérescence de l’URSS et à proposer une ligne politique en rupture avec le stalinisme et contre lui.
Comme Voix ouvrière, notre groupe se réclamait et se réclame encore aujourd’hui de la filiation idéologique communiste qui, de Karl Marx et Friedrich Engels puis Lénine, conduisit à la révolution d’Octobre 1917 en Russie et à la fondation du premier État ouvrier de l’histoire.
La source des idées communistes révolutionnaires et trotskystes
La révolution russe menée par le Parti Bolchévik, le parti que Lénine fonda en 1903, fut suivie d’une vague révolutionnaire dans toute l’Europe, notamment en Allemagne. Mais l’échec de la révolution allemande isola la Russie. D’autant que le nouvel État ouvrier était encerclé par au moins 14 armées bourgeoises envoyées pour étouffer la révolution et l’empêcher de s’étendre. Cette guerre fut remportée par l’État ouvrier russe en 1922 mais au prix de la perte de nombreux travailleurs dont des militants ouvriers de grande valeur. Une couche de bureaucrates menés par Joseph Staline s’installa au pouvoir et parasita l’appareil de l’État ouvrier. Le stalinisme transforma l’État ouvrier russe en une sombre dictature criminelle.
Lénine mourut en janvier 1924 et Staline fit éliminer toute la génération des révolutionnaires d’octobre. Exilé à Mexico, Trotsky fut assassiné en 1940 par un sbire de Staline.
Trotsky fonda l’opposition de gauche en URSS et la quatrième internationale à l’approche de la deuxième guerre mondiale.
En créant une organisation communiste révolutionnaire antillaise et trotskyste il s’agissait d’accomplir les premiers pas dans la voie de la préparation de la révolution communiste aux Antilles colonisées par l’impérialisme français. II s’agissait d’affirmer qu’il existait une autre voie pour les travailleurs des Antilles, celle du communisme révolutionnaire. Une autre voie que celle défendue par les partis ouvriers staliniens et réformistes.
Nationalisme et communisme révolutionnaire
Notre groupe d’origine a forgé aussi sa personnalité politique face aux courants nationalistes et tiers-mondistes qui influençaient à cette époque une partie de la jeunesse et des travailleurs antillais. Il en était ainsi du GONG (Groupe d’organisation nationale de la Guadeloupe) fondé à Paris deux ans plus tôt, en 1963, ou de l’OJAM (organisation de la jeunesse anticolonialiste martiniquaise).
Revendiquer uniquement l’indépendance de la Guadeloupe et de la Martinique sans poser la question des classes sociales et du rôle révolutionnaire des masses laborieuses, ou en la posant en deuxième lieu, signifiait préparer la population à se soumettre à une bourgeoisie noire exploiteuse à la tête d’un futur État capitaliste guadeloupéen ou martiniquais.
L’affrontement idéologique se faisait dans les réunions de l’AGEG (association générale des étudiants guadeloupéens) et de l’AGTAG (association générale des travailleurs antillo-guyanais) et dans le milieu des étudiants et travailleurs antillais émigrés. Le massacre de mai 67 en Guadeloupe puis la grève générale de mai 68 en France suscitaient des discussions passionnées et interminables.
À cette époque, l’une de nos principales activités pratiques fut la publication et la diffusion sur les lieux de travail, dans les hôpitaux, les centres postaux, d’un bulletin ronéotypé Gro Ka écrit exclusivement en créole. C’était l’une des premières publications en langue locale. Ce bulletin constituait un moyen privilégié pour s’adresser aux travailleurs antillais émigrés.
Le retour aux Antilles
Après avoir milité plusieurs années à Paris, les militants de la Ligue organisèrent leur retour en Guadeloupe en 1971 puis en Martinique en 1972 pour s’y implanter politiquement. Leur journal hebdomadaire puis leur organisation prirent le nom de Combat ouvrier en 1971. L’hebdomadaire, puis ensuite le quinzomadaire, ne furent plus ronéotypés mais imprimés.
Soixante ans après la publication du Manifeste de la ligue, nous assurons la continuité des idées communistes révolutionnaires sur les deux îles. Nous maintenons le drapeau rouge parmi les masses laborieuses avec l’objectif de créer un parti ouvrier révolutionnaire.
Le parti que nous voulons n’existe pour le moment nulle part dans le monde en raison du recul du mouvement ouvrier. Cependant, affaiblie idéologiquement aujourd’hui, la classe ouvrière reste la seule classe capable de renverser le capitalisme lorsqu’elle retrouvera ses forces.
Dans le prochain numéro, nous relaterons la période du groupe Barta qui permit la formation des militants qui fondèrent Voix ouvrière en 1956 puis Lutte ouvrière en 1968. Une origine lointaine (1939) mais dont la filiation compte évidemment aussi pour notre groupe Combat ouvrier.